En 2024, le 150e anniversaire de la première exposition impressionniste va être célébré partout en France. Le musée d’Orsay, qui abrite la plus vaste collection au monde d’œuvres de ce mouvement, prête 178 de ses tableaux à 34 musées partout en France. Rendez-vous dans ces lieux d’expositions, à la découverte de chefs-d’œuvre signés Berthe Morisot, Claude Monet, Paul Cézanne ou encore Auguste Renoir.
Le paysage sous toutes ses formes à Tourcoing
Il s’agit du plus gros contingent d’œuvres prêtées par le musée d’Orsay. Près de 57 tableaux signés Monet, Sisley, Renoir, Pissarro ou Cézanne ont rejoint le MUba Eugène-Leroy, le musée des Beaux-Arts de Tourcoing, dans le cadre de l’exposition « Peindre la nature. Paysages impressionnistes du musée d’Orsay », jusqu’au 24 juin prochain et visible lors de la Nuit des musées. Le paysage, thème central de la révolution impressionniste, est au cœur de cette exposition qui suit un ordre chronologique allant de 1850 à 1920, des prémices de l’impressionnisme jusqu’à ses filiations. « Le paysage marque une rupture avec la peinture de salon, avec des scènes de canotage ou de voile très pittoresques. C’est aussi une nouvelle manière de peindre avec cette touche fragmentée pour saisir le côté fugace », explique Mélanie Lerat, directrice-conservatrice du MUba.
Les collections du musée dialogueront avec ces chefs-d’œuvre impressionnistes prêtés. Un focus sera notamment fait sur les liens entre Claude Monet et Eugène Leroy, peintre du XXe siècle né à Tourcoing et figure tutélaire du musée depuis la donation reçue en 2009 de 400 de ces tableaux, dessins ou gravures. Deux tableaux seront au cœur de ce segment : Saule Pleureur, chef-d’œuvre tardif de Monet et L’Homme au printemps rouge d’Eugène Leroy datant de 1990.
Outre Tourcoing, ce 150e anniversaire de l’impressionnisme se fête dans tout le nord. Trois musées – celui de Tourcoing mais aussi le palais des Beaux-Arts de Lille et La Piscine de Roubaix - s’unissent dans un « printemps impressionniste » avec une programmation dédiée et un grand déjeuner sur l’herbe les week-ends du 1er et du 8 juin. Une manière de faire résonner l’impressionnisme à l’échelle de toute une métropole.
Dialogue impressionniste entre Monet et Courbet à Besançon
Le Déjeuner sur l’herbe de Claude Monet étend sa nappe à Besançon. Depuis le 24 février, le musée des Beaux-Arts et d’Archéologie accueille pour un prêt exceptionnel le fragment central de l’œuvre de l’artiste, réalisée entre 1865 et 1866. Dans cet immense tableau, découpé en trois parties par le peintre – un des trois morceaux a d’ailleurs disparu - quatre personnages installés dans une clairière, dont l’un présente certains traits communs à Gustave Courbet, natif d’Ornans, à 25 kilomètres de la capitale franc-comtoise.
Le musée a souhaité mettre en lumière, à travers ce prêt, la relation à la fois amicale, artistique et financière entre Monet et Courbet. « Nous ne possédons aucun tableau impressionniste mais une belle collection d’œuvres de Gustave Courbet et il nous semblait intéressant de créer un dialogue entre les deux peintres », lance Laurence Madeline. Jusqu’au 2 juin, le fragment est accroché dans la salle du XIXe siècle du musée, sur une cimaise inclinée qui permet de faire une séparation avec le reste des peintures et de créer un lien visuel avec les œuvres de Courbet, notamment l’Hallali du cerf. Il pourra être admiré lors de la Nuit des musées.
Autour du prêt de cette œuvre, un grand événement va venir ajouter du sens à ce tableau : l’organisation d’un Déjeuner sur l’herbe grandeur nature. La ville de Besançon et le musée profitent du dernier jour d’exposition, le 2 juin, pour organiser un grand pique-nique citoyen à l’occasion de l’inauguration de la place de la Libération végétalisée, sur laquelle se trouve l’ancienne Halle aux grains abritant le musée.
Les séjours niçois de Berthe Morisot
Jusqu’au 29 septembre, le musée des Beaux-Arts Jules Chéret à Nice revient sur les deux escales impressionnistes de Berthe Morisot dans la ville dans les années 1880. Depuis le 5 avril, le tableau des Villas à Bordighera offert par Monet à Berthe Morisot est au cœur d’une présentation intitulée « Monet-Morisot : le spectacle de la Riviera ». « Ce tableau avait une place d'honneur dans son hôtel particulier à Paris, en étant à la fois dans son salon-atelier et en ligne directe depuis sa chambre, décrit Johanne Lindskog, directrice du musée des Beaux-Arts de Nice. On voit déjà à travers cette œuvre les liens forts entre Monet et Morisot, mais aussi l'impact qu'à eu la Riviera et en particulier Nice sur Morisot et son imaginaire, puisqu'elle a ramené jusque dans la conception intérieure de son foyer des éléments caractéristiques de Nice et de cette atmosphère de la Riviera. » La scénographie va d’ailleurs reproduire cet intérieur et montrer comment était présenté le tableau chez elle.
Le musée se replongera dans le XIXe siècle avec des parcours documentés par des archives reprenant les lieux exacts où Berthe Morisot a posé son chevalet, notamment les pointus, embarcations de pêcheurs sur lesquelles elle s’installait pour peindre le port. Il s’attardera sur la Villa Ratti, louée par l’artiste avec sa famille lors de ses séjours, qui existe toujours aujourd’hui et qui a été restaurée ces dernières années pour être visitable par le public. Enfin, dès le 7 juin, d’autres tableaux prêtés par Orsay seront visibles dans le musée niçois et retraceront les deux séjours de Morisot. Au total, une soixantaine d’œuvres de la peintre témoignant de l’attachement de l’attachement de la peintre à la Riviera, ainsi que des tableaux d’Edgar et Julie Manet - mari et fille de l’artiste - et de Renoir.
Saint-Denis de La Réunion, seule collection impressionniste d’outre-mer
Deux tableaux de Paul Cézanne ont fait le voyage pour la première fois jusqu’à Saint-Denis de La Réunion et s’installent jusqu’au 16 juin au musée Léon Dierx : Table de cuisine et Nature morte au tiroir ouvert. « Nous sommes ravis car ce n’est pas tous les jours que l’on peut admirer ces œuvres, surtout à 10 000 kilomètres de l’Hexagone, résume Jacky Courtois, directeur par intérim du musée. Quand le musée d’Orsay nous a sollicités, nous avons sauté sur l’occasion. Nous avions tout intérêt à participer à cet anniversaire, pour faire venir des tableaux que les Réunionnais n’ont pas l’occasion de voir. » Participer à cette grande fête de l’impressionnisme relevait de l’évidence pour cet établissement ouvert en 1912 qui possède, grâce à la donation précieuse du frère du célèbre marchand d’art Ambroise Vollard, Réunionnais installé à Paris qui a révélé Picasso, Gauguin, Renoir ou Morisot, l’unique collection impressionniste en outre-mer français.
Pour ce 150e anniversaire, le musée a choisi de se concentrer sur un aspect moins connu des impressionnistes : la nature morte, dont Cézanne a peint plus de deux cents tableaux. Les deux prêts seront mis en regard avec les collections permanentes du musée allant du XIXe siècle à l’art moderne avec un fonds important d’œuvres d’artistes ayant travaillé à La Réunion. Le parcours a été revu pour les mettre en valeur et les œuvres impressionnistes ont ainsi été rassemblées dans une même galerie. L’exposition retrace différentes époques comme celle de l’École de Barbizon avec les premiers paysages extérieurs et se termine par les deux Cézanne qui font le lien avec l’époque moderne et le fauvisme, le cubisme ou les Nabis. Parallèlement à l’exposition, le musée a prévu tout un cycle de conférence et de projection de films sur Cézanne afin de faire rayonner l’impressionnisme sur tous les territoires.
Les 150 ans de l’impressionnisme également à Orsay
Le musée d’Orsay invite à replonger dans ses chefs-d’œuvre avec « Paris, 1874. Inventer l’impressionnisme », jusqu’au 14 juillet prochain. Cette exposition comptera près de 130 œuvres, dont des « incontournables » de Monet, Renoir, Morisot, Sisley ou Pissarro. Cette exposition sera ensuite présentée à la National Gallery of Art de Washington à partir du 8 septembre. En parallèle, le musée proposera une véritable immersion dans la soirée d’inauguration de l’exposition de 1874 avec « Un Soir avec les impressionnistes », une expérience en réalité virtuelle qui permet, pendant 45 minutes, de remonter le temps grâce à une reconstitution de la soirée du 15 avril.