C’est un visuel particulier qui a été choisi pour figurer sur l’affiche de la Nuit européenne des musées cette année. Plutôt qu’une illustration, c’est une œuvre tuftée qui a été sélectionnée, réalisée par l’artiste textile Clotilde Puy. Cette ancienne élève de l’école Duperré a fait ses classes dans la maison Lesage avant de se lancer il y a cinq ans dans le tufting, une méthode qui consiste à créer des surfaces en tapis au moyen d’un pistolet. Une technique pour « peindre avec de la laine » sur l’envers d’une toile tendue que l’artiste démocratise et transmet via ses réseaux sociaux et des ateliers.

Pour la Nuit européenne des musées, elle a imaginé une tapisserie de 110 cm de haut par 90 de large aux couleurs vives et aux formes bien distinctes, avec des symboles rappelant l’imaginaire de la nuit et des musées. Cette tapisserie a ensuite été prise en photo pour constituer l’affiche de cette nouvelle édition. Zoom sur cette œuvre singulière, expliquée par sa créatrice.

Votre travail est exclusivement centré sur le textile. Comment avez-vous découvert la technique du tufting ?

 Clotilde Puy : J'ai fait des études de mode et, plus que le vêtement, c’est la matière qui m'intéressait. J’aime m'amuser avec des techniques différentes comme le tissage ou le feutrage et utiliser plein de matériaux et de fils pour réaliser des objets. J'ai découvert le tufting pendant le premier confinement sur les réseaux sociaux et j’ai eu un véritable coup de cœur pour cette méthode, jusqu’à présent plutôt réservée soit à des professionnels, soit au monde industriel et surtout développée dans les pays anglo-saxons et asiatiques.

L’affiche de la Nuit européenne des musées que vous avez imaginée est à l’image de votre travail : toute en formes et en couleurs. Comment l’avez-vous créée ?

 C.P. : J’ai au départ réalisé un moodboard, c’est-à-dire un tableau d'inspiration sur le thème de l’événement. Il existe beaucoup de types de musées différents, il était donc important de ne pas rester uniquement dans une seule catégorie. On trouve donc des rappels à la Grèce avec l’amphore ou à l'architecture avec une pyramide qui est le symbole ultime du musée en France. Puis il y a des choses un peu plus contemporaines comme la silhouette, cette présence humaine qui peut, pourquoi pas, inviter les spectateurs à venir dans les musées. Certaines personnes pensent à du Botero mais pour moi, c’est clairement une référence à Niki de Saint Phalle qui est une de mes artistes préférées et il était important aussi pour moi de représenter et de mettre au premier plan une artiste femme. Enfin les étoiles renvoient évidemment à la nuit et pour elles, je me suis inspirée de Calder.

Pour le tufting, il fallait des formes découpées assez claires, avec une gamme colorimétrique qui puisse trancher pour voir ces éléments dans leur ensemble. Pour cela, Matisse et sa série des papiers découpés étaient une autre référence assez évidente pour pouvoir composer cette affiche. D’ailleurs, la commande du ministère stipulait une animation en stop motion et le papier découpé fonctionne bien pour ce dispositif, en créant une animation dansante.

J’aime la culture anglaise et j’ai vécu un an au Japon, où j’ai adoré explorer la couleur et le maximalisme, en utilisant plein de motifs et de formes. C’est mon moyen d'expression : apporter de la couleur à un monde qui n’est pas forcément très joyeux.

Particularité de cette affiche : il s’agit d’une œuvre tuftée qui a ensuite été prise en photo. Qu’est-ce que cela a changé à votre méthode de travail ?

 C.P. : C’était la première fois que je réalisais une affiche et c’était un très beau challenge à relever ! Une affiche étant un support de communication, j'ai été aidée par la graphiste Elsa Antoine qui a réfléchi à un visuel qui puisse traduire l’esprit de la Nuit des musées. J’ai fait la recherche iconographique et dessiné toutes les formes et éléments avant de faire une première mise en page qu’Elsa m'a aidée à reconstruire afin d’intégrer les différentes typographies et éléments de communication du ministère pour une lecture lisible et impactante. J’ai ensuite réalisé l’œuvre en tufting. Pour la taille, il fallait trouver un équilibre pour avoir les détails, mais qu’elle ne soit ni trop grande ni trop petite.

Nous avons enfin fait appel à la photographe professionnelle Claire Curt pour prendre en photo l’œuvre et mettre en valeur le travail fini. Pour cette étape, il était important de bien avoir un équilibre entre matière et couleur, d’avoir vraiment la sensation du tufting alors que nous sommes sur un support papier. Elles ont toutes les deux fait un travail de dentelle très minutieux et vraiment très beau.

Utiliser le tufting pour cette affiche, est-ce aussi une manière de mettre les métiers d’art au cœur de la culture ?

 C.P. : Sonia Delaunay ou d’autres artistes femmes ont toujours eu à cœur de développer leur art sur plein de supports et notamment la tapisserie. Celle-ci a peut-être été un peu déconsidérée pendant plusieurs années car renvoyant à de l'art féminin, pour les femmes. Mais aujourd’hui, on assiste à un retour du fait-main dans les musées avec plusieurs expositions consacrées. C'est pour ça que j’ai été très agréablement surprise quand le ministère m’a contactée : cela montre qu’il est possible de réaliser un support de communication avec une technique autre que celles, traditionnelles, de l'illustration ou de la peinture.